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Comment devenir Styliste Caftan ? Interview d’une Casablancaise

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Salam à tous, aujourd’hui Caftan4you a le plaisir de recevoir une styliste Caftan aux doigts de fée, qui vient nous parler de son histoire, de son parcours et partager avec nous quelques conseils …

Bonne lecture..

Tout d’abord, peux-tu te présenter en quelques lignes ?

Pour commencer, Salam Aleykoum.

Je m’appelle Imane Tazi.

Mon histoire ? C’est l’histoire d’une jeune femme qui a fait de sa passion son métier.

Je suis actuellement styliste à Casablanca où je vis, j’ai la chance de pouvoir m’épanouir non seulement dans ma vie professionnelle en exerçant un métier que j’aime mais également dans ma vie personnelle avec une famille formidable.

Je suis l’heureuse Maman de deux merveilleux enfants, une fille et un garçon. J’ai 34 ans, et je suis originaire de Fès.

J’ai rejoins Casablanca il y a quelques années maintenant pour suivre mon mari qui est médecin.

Dans la vie je suis une personne qui adore le contact avec les gens, je suis à la fois très sociable, j’aime rigoler, mais je suis également très stricte en ce qui concerne le travail.

Si je devais définir un trait de mon caractère un peu spécial, mais qui m’aide au jour le jour, notamment dans mon métier, c’est la capacité de lire à travers les gens, j’arrive assez facilement à comprendre ce que l’on attend de moi.

Je suis une personne pleine de vie, j’adore les voyages, les sorties etc…

Depuis combien de temps fais-tu ce métier ? Comment as-tu été saisie par la vocation ?

Depuis toute petite je suis bercée par le milieu de la mode et de la couture, j’ai grandi dans une famille de couturiers, mes grand-parents, mon père avec qui je passais de longs moments dans l’atelier.

Mais bizarrement je n’ai pas suivi ce cursus directement. Je me suis dirigée vers toute autre chose.

Justement as-tu suivi une formation particulière pour exercer ce métier ?  Quelle était ta formation de base ?

Je vais t’expliquer mon parcours, je me suis longtemps cherchée.

À la base, j’ai passé un BAC scientifique, puis j’ai continué sur cette voie en étudiant durant deux ans la physique-chimie.

Ici au Maroc, lorsqu’on ne se dirige pas vers un métier de cœur, on a tendance à aller assez facilement vers les FAC même si on sait que l’on exercera pas forcément un métier qui nous comble pleinement.

Après ces deux ans j’ai changé de parcours et j’ai étudié le Marketing. Suite à quoi j’ai travaillé dans une très grande entreprise à Casablanca pendant 5 ans au Service Marketing/Communication.

Et là, un nouveau tournant de ma vie, lorsqu’on se marie et qu’on a des enfants, il devient difficile de compiler vie professionnelle et vie de famille, on ne peut plus se permettre de rentrer à des heures tardives.

J’ai donc arrêté mon travail…

Parallèlement j’ai toujours gardé cette passion pour la mode et la couture, donc lorsque j’allais chez un couturier pour me faire coudre une robe, j’aimais le soucis du détail, je leur décrivais toute la robe  » je veux tels tissus pour telles parties, puis telles couleurs » et à ce moment-la les couturiers me demandaient :

« As tu déjà fait de la couture ? »

Je  leur répondais que non, mais que je connaissais quelques notions dues à ma famille de couturiers.

Et là, je me suis dis : Tiens pourquoi pas me lancer dans la couture ?

J’ai donc été dans l’atelier de mon père, je suis restée trois jours à ses côtés et ce fut une révélation, je me suis vraiment rendue compte que c’est ce que j’aimais faire et je lui ai demandé de m’apprendre la couture.

Mais sa réponse fut négative, ce qui me laissa perplexe.

D’après lui, il fallait que j’intègre une école de stylisme pour apprendre les notions de base de la couture…

Et c’est ce que j’ai fait en intégrant le Collège Lasalle à Casablanca durant deux ans.

Et contrairement aux autres élèves je ne me contentais pas d’apprendre les leçons et d’attendre le prochain cours.

Tout ce que j’apprenais à l’école, je l’appliquais dans l’atelier familial aux côtés de mon père.

Et un jour en me voyant travailler, il m’a confié ma première création qui était destinée à l’une de ses clientes, j’ai fait preuves d’hésitation au départ mais il m’a vite dit  » je sais que tu peux le faire » et voilà comment il m’a lancée  🙂

Merci, c’est une jolie histoire. Peux-tu nous raconter comment se sont déroulés tes débuts dans la mode en tant que styliste ?

Comme le vent m’a menée à Casablanca, j’ai commencé à travailler petit à petit, je t’avoue qu’au départ il n’y avait pas beaucoup de personnes qui croyaient en moi, ils pensaient que c’était juste un passe-temps, mais plus j’avançais plus je faisais des croquis, plus on remarquait mon travail, le mélange des couleurs etc ..

Au départ c’était très difficile, je suis partie de zéro, je suivais la confection du Caftan de A à Z , je courrais entre brodeuse, faiseur de soie, etc…

Ce n’était pas évident du tout mais avec du recul je me rend compte que cette étape était une étape décisive, pour connaître vraiment le travail des différents artisans et également leur méthodologie.

C’était également l’occasion pour moi d’évaluer le travail de chacun pour mon avenir dans la profession. J’aimais que tout soit à la perfection !  

Tu es de Fès, c’est un endroit connu pour son artisanat, au décor très particulier cette ville t’a-t-elle influencée dans ton travail ?

Évidemment, Fès est vraiment une ville à part au Maroc, de part sa culture, sa richesse.

Les habitants de Fès sont des gens très généreux, accueillants. Donc forcément ça se ressent dans mon travail, c’est une touche en plus un peu spécial.

On le ressent également dans la finition de la robe, le mélange des couleurs.

La devise de base, c’est partir de la simplicité, pour donner de la valeur, de la richesse.

Par exemple même si on part d’un tissu qui n’est pas forcément de bonne qualité, on va réussir à apporter les couleurs, les dessins nécessaires à magnifier la robe.

Tu fais un métier qui nécessite un renouveau constant. Quelles sont tes sources d’inspiration ?

Premièrement, il ne faut pas oublier l’expérience qui compte beaucoup dans la confection des robes.

Mon inspiration, je la puise le soir, quand tout est calme et que tout le monde dort, d’ailleurs il m’est très souvent arrivé de me lever en pleine nuit en pensant à une cliente qui me demande des choses en particulier, et de réaliser des croquis à 3h du matin.

Ce qu’il y a, c’est que parfois je n’ai pas à faire à la cliente directement, mais un intermédiaire à travers qui je dois déchiffrer les besoins et les attentes de la personne qui va porter ma création, on me dit souvent  » je veux un Caftan simple, MAIS avec une touche personnelle » et là c’est à moi de détecter la touche personnelle qui correspondra à la porteuse du Caftan.

La haute couture change d’année en année on instaure un nouveau thème, et surtout en matière de Caftan, il faut savoir s’inspirer de ce thème et l’interpréter dans nos créations.

Il m’arrive également de m’inspirer de la mode européenne notamment des grands créateurs comme Dior, Chanel ou Yves Saint Laurent.

Je m’inspire de leurs couleurs, leur graphismes, leurs coupes, pour apporter une touche de modernité au Caftan, c’est un mélange entre le modélisme et le stylisme qui donne quelque chose de très beau.

Est-ce un milieu difficile ? Quels conseils pourrais-tu donner aux lectrices qui souhaitent exercer ce métier ?

C’est un monde très difficile où il faut être une Lionne.

Il faut avoir une force de caractère pour réussir à gérer les choses.

C’est un milieu très rude où tout le monde copie tout le monde et ce qui fait la différence c’est : la touche personnelle.

Il faut savoir détecter la personnalité de la cliente pour lui créer un Caftan qui lui ressemble.

Certaines personnes étudient deux mois la couture et se prétendent styliste, non ça n’a rien à voir.

Et de toute façon, on le voit tout de suite, de part la coupe, la qualité du travail, les finitions, et même lorsqu’ils veulent copier une pièce, il ne réussissent pas.

Un beau Caftan, un vrai Caftan réalisé par un Vrai styliste, on le remarque tout de suite, il suffit de l’enfiler pour se transformer et réincarner l’élégance.

Si on prend juste un simple Caftan, vraiment simple, il y a déjà plusieurs étapes à passer, choisir le bon tissu, de bonne qualité, car un tissu bas de gammes n’aura jamais le même rendu qu’un bon tissu, et ça se ressent également pour la femme lorsqu’elle portera son Caftan.

Il faut également travailler la coupe, puis la soie qui servira à la Sfifa, puis les boutons, toutes ces choses qui doivent être confectionnées à la main.

Ce n’est pas comparable avec le couturier du coin, qui va tout acheter au souk, les Sfifa, les boutons déjà pré-faits, qui va les rassembler et se prétendre Styliste.

Il faut vraiment suivre les étapes de la confection de A à Z pour se rendre compte du travail fourni, courir à droite à gauche tout en veillant à respecter les délais de livraison de la robe et surtout rendre un travail parfait qui correspondra aux attentes de la cliente.

Pour celles qui souhaitent devenir styliste, mon conseil c’est de se fixer un but, et de veiller à respecter toutes les étapes du début à la fin pour atteindre son objectif.

Il faut également avoir du caractère et ne pas être faible car c’est un milieu de loups où les brebis égarées se font manger d’un trait.

Il faut être strict, et très professionnel.

Et dernière chose très importante, développer un esprit de confiance que ce soit avec les artisans avec qui on travaille ou avec (et surtout) ses clientes.

On dit que les édifices survivent grâce à la solidité de leurs fondations, quelle est la tienne ?

Le sérieux, la finition,le respect des délais et la confiance en soi.

Ça peut paraître banal ou dérisoire mais le souci du détail fait souvent la différence.

J’aime effectuer un travail propre.

Comment s’annonce cette année? Qu’as-tu pensé du dernier défilé Caftan de Femmes du Maroc?

Première chose, je trouve que c’est un peu osé cette année, certains n’ont pas forcément respecté la tradition marocaine et il y a des limites qui ont été franchies.

Première impression  » Ouah c’est quoi ça »

L’une de mes devises, c’est qu’il faut commencer par se respecter soi-même pour que les autres nous témoignent le respect, et les fentes de 90cm c’est pas mon truc …

Concernant le travail en soi, on reste sur des Caftans assez simples mais on joue beaucoup sur les tissus, on a vu pas mal de tissus très nobles, ce sont des tissus qui proviennent de l’étranger, comme la soie d’Italie, ce qui explique aussi les prix ( À partir de 7000€ le Caftan) et c’est vrai que ce n’est pas accessible à tout le monde.

Ces dernières années les prix ont nettement augmenté de part le perlage, les cristaux également, tous les artisans ont augmenté leur prix.

C’est parfois le prix à payer pour la qualité.

Pour les tendances, comme je l’ai dit précédemment on utilise des tissus nobles et on leur donne de la valeur grâce au perlage, aux strass.

On voit également des ceintures fines ( 6 ou 7 centimètres) réapparaître notamment en cuivre.

Les couleurs pastels seront également à l’honneur cette année.

On voit de plus en plus le Caftan « modernisé » qu’en pense-tu ? Le Caftan traditionnel est-il en danger ?

En effet, les stylistes s’inspirent de plus en plus de la mode à l’européenne mais il ne faut pas oublier l’origine du Caftan.

Je pense que les marocaines traditionnelles ne sont pas prêtes à porter ce genre de Caftan (comme le Caftan robe) à un mariage, c’est le genre de Caftan créé pour des clients spécifiques.

Je ne suis pas contre la modernisation au contraire, mais il ne faut pas oublier la tradition, pas dépasser certaines règles.

Y-a-t-il des grands couturiers que tu admires tout particulièrement ? 

J’admire beaucoup le travail d’Elie Saab, c’est un libanais qui fait de très belles choses.

Au niveau du Maroc, je respecte beaucoup le travail d’Abdelhanine Raouh, qui est non seulement un grand styliste mais également un professeur au « Collège Lasalle » à Casablanca.

Cet homme a une inspiration hors du commun.

Quelle est l’image de la femme que tu souhaites mettre en valeur?

Pour moi le Caftan doit représenter l’élégance de la femme, et l’impérialité.

D’ailleurs l’une des personnes qui reflète cette image de la femme c’est la princesse Lalla Selma.

C’est une femme très classe qui représente bien le Caftan Marocain, elle a justement été désignée par les lecteurs du magazine britannique Hello !, invitée la plus élégante lors de l’intronisation du Roi Willem-Alexander des Pays-Bas fin avril.

Peux-tu nous dire pourquoi la mode marocaine séduit-elle de plus en plus de personnes à travers le monde ?

C’est une mode 😆 .

Dans les années 1990, le Caftan commence à disparaître.

Et c’est justement Lalla Selma qui a contribué à sa renaissance, en portant des Caftans magnifiques lors de différents événements à travers le monde.

Je pense également qu’internet et les réseaux sociaux ont considérablement aidé à l’expansion du Caftan à travers le monde.

Travailles-tu avec d’autres pays que le Maroc ?

Oui je travaille avec la France, l’Algérie, la Belgique, l’Allemagne, dernièrement la Turquie et les Etats-Unis.

J’aimerais également travailler avec les Pays du Golf.

Il faut savoir que je ne travaille pas avec les particuliers, j’aime connaître mes clients.

Quel conseil en matière de mode traditionnelle donnerais-tu aux lectrices de Caftan4you  pour s’habiller avec goût ?

Respecter le code des trois couleurs, jamais plus de trois couleurs dans un Caftan.

Laissez-vous guider par les personnes qui s’y connaissent, il y a une expression marocaine qui dit  » Mange selon tes goûts mais habille-toi en fonction du goût des autres »

Ils ne faut pas rester braqué sur certaines idées, sortir de sa bulle et s’ouvrir aux autres.

Également, s’habiller en fonction de sa teinte, sa couleur de peau, par exemple une personne foncée de peau doit privilégier les couleurs froides : le blanc, le jaune, un rouge orangé, une couleur qui les mettra en valeur.

Pour celles qui sont très blanches de peau éviter les couleurs pastels, penché plutôt pour du vert, turquoise ou du rouge.

Mais il faut avouer que les maghrébines en générale : tout nous va…

Merci beaucoup pour ce temps précieux que tu nous as consacré,  je te souhaite pleins de réussite dans ta carrière …

Quant à vous mes lectrices, j’espère que ça vous a plu n’hésitez pas à nous faire part de vos commentaires, À très bientôt

Ahlam

 

 

 

3 Réponses à "Comment devenir Styliste Caftan ? Interview d’une Casablancaise"

  1. Kaouthare

    Super article article au top comme toujours ☺. Je voulais vraiment te dire bravo ton blog est vraiment super je l’aime troooop je lis tout tes articles avec plaisir et intérêt. ❤
    Et je voulais aussi te demander est-ce que la créatrice cité ci-dessus a un site ou une page Facebook ou Instagram stp?

  2. Ahlam

    Salam Kaouthare,
    Tout d’abord merci beaucoup pour tes compliments, c’est également un plaisir pour moi de partager toutes ces choses avec vous. Concernant cette styliste, non, elle a déjà sa clientèle privée et qui ne travail pas avec les particuliers

  3. Kaouthare

    Aleykoum selem Alham,
    Ah flûte c’est dommage, est-ce que tu aurais des créateurs ou styliste en Île de France ou au Maroc où je pourrais trouver des caftans vraiment exceptionnel et unique pour mariée stp ou bien même un site web stp? Barak´Allahu fik

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